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Le combat sans merci du pardon

Syrie : le combat sans merci du pardon

 

Terre de Compassion. Article de Denis Cardinaux et Josette Khoury.

Comme la majorité des chrétiens de Syrie, Mère Agnès Mariam de la Croix a été déconsidérée par les médias en 2011 sous le prétexte de sa « compassion » envers le régime syrien. Cette fondatrice qui est aussi la porte-parole des rebelles syriens (non de l’EI, qui n’est pas syrien) témoigne sans relâche de la situation du pays et travaille à la réconciliation.

Une mission sous le patronage de Notre-Dame du Liban 

Religieuse catholique melchite, palestinienne de nationalité franco-libanaise, Mère Agnès restaura un tableau ancien durant la guerre du Liban. Elle découvrit alors, sous les couches de peinture, une madone du 10ème siècle, patronne de la communauté maronite du Liban. Cela lui permit de prendre conscience du patrimoine spirituel et de la mission d’unité et de témoignage de l’Eglise d’Antioche. Carmélite, elle découvre en 1993 les ruines du monastère de saint Simon le mutilé à Quara, en Syrie. Elle obtient du patriarche l’autorisation de le restaurer pour fonder une communauté. Depuis la guerre, sa communauté est constament menacée. Elle fonde alors le mouvement Moussalaha (Réconciliation). Convaincue que les deux camps ont commis des atrocités, elle travaille sans relâche à la réconciliation des belligérants, car pour elle, seuls les syriens pourront trouver une solution durable à la crise.

Témoignage sur la situation

Au cours d’une récente interview[1], elle affirme que les factions armées non identifiées qui ont été dénommées par les médias comme étant l’armée libre de Syrie, puis Al-Queyda, et enfin, l’Etat Islamique, sont une seule et même réalité qui ne provient pas du tissu social et religieux syrien mais qui est manipulé à dessein pour provoquer le chaos et instaurer le califat islamique. Les vrais Rebelles se retrouvent alors « au chômage », car n’étant pas soutenus par la communauté internationale, ils n’ont plus que l’alternative de s’enrôler dans les rangs des terroristes richement dotés ou dans l’armée légale. Beaucoup préfèrent d’ailleurs ce dernier choix[2].

Pour elle, la France, entre autre, fait preuve de schizophrénie. D’une part, au Conseil pour les droits de l’Homme, elle prétend soutenir les chrétiens d’Orient, d’autre part, sa politique interfère dans les évènements contre le gouvernement qui, malgré tout, protège les multiples minorités. Mais ce qui s'opère en Syrie est un véritable remodelage des frontières et un nettoyage ethnique pour lequel elle pose la question de la complicité des états de la coalition[3]
 
Quel avenir pour l'homme?

A la question de savoir si elle considère s’il y a un avenir pour les chrétiens en Orient, elle répond fermement : « Je pose la question à la société, ici en Europe, à la communauté internationale. Quel avenir pour l’homme ? Je ne veux pas parler de chrétiens et je ne veux pas parler de musulmans, je veux parler de l’homme. Qu’elle est l’alternative à n’importe quel gouvernement, entité autocrate ou bien tyrannique ? L’alternative, c’est l’Etat  Islamique ? Mais ayons des yeux pour regarder ! Ce sont des paravents pour que la communauté internationale ne se rende pas compte de ce qui se passe ! L’EI est financé et armé aujourd’hui même par cette même coalition qui dit qu’elle va en guerre dans nos pays pour lutter contre la terreur. C’est un vrai scandale. Alors quelle humanité nous avons à partir de ces prémices ? Quels sont les principes qui gèrent la communauté internationale ? Quand on vient prendre des dispositions qui annulent les lois internationales, c’est nous, la communauté internationale civilisée, qui sommes en train de mettre en danger l’homme, partout. L’humanité est mise en danger et je dirais même massacrée et détruite en Irak, elle l’est maintenant en Syrie, et demain, quoi de plus ? »

Ces dernières semaines, l'EI a brisé d'inestimables objets conservés au musée de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, avant de viser la cité plurimillénaire de « Nimroud » et, celle fortifiée de « Hatra », fondée il y a plus de 2 000 ans, particulièrement bien conservée où architectures orientale et occidentale se mêlent. L'EI justifie ces destructions en arguant que les statues favorisent l'idolâtrie : 'c'est Haram' ("interdit"). Mais ces "idoles",  si vivement dénoncées, dérangent moins les djihadistes lorsqu'il s'agit de les vendre au marché noir. Et devant toutes ces destructions de la culture – mais c'est de l'homme qu'il s'agit ! -, la communauté internationale garde toujours le silence ! Attaquant Hatra et Nimroud, c’est toute l’histoire du peuple assyrien qui est attaquée.

Le mystère d'iniquité

Enfin, le journaliste lui demande si il lui arrive de douter de sa foi. Non moins ferme, elle répond : « Non, pas du tout, je suis quelqu’un qui s’est converti en lisant la sainte écriture. Le Seigneur et les prophètes nous avisent que la volonté de Dieu est de laisser libre cours à la volonté de l’homme et la volonté de l’homme peut se diriger vers le bien ou se diriger vers le mal. Dans la théologie eschatologique de l’Eglise qui se trouve dans les écritures, nous allons vers le dévoilement de l’homme d’iniquité, c’est à dire, d’une entité qui va tout se permettre, qui va se permettre de dépasser les lois de la nature, qui va détruire l’écologie, puis l’homme. Nous allons vers le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, il s’agira d’un monde absolument contraire à tout ce qui s’est vécu depuis l’aube des temps. Il faut revenir à soi, et ce qui se passe chez nous c’est un séquence de cet apocalypse qui est le fruit de la révolte de l’homme contre soi, contre son identité. Aujourd’hui on est en train de détruire toute identité, toute appartenance, que ce soit l’appartenance à un pays, l’appartenance à une famille ou à soi-même et pourquoi ? Pour avoir des créatures livrées à la consommation et à l’argent. Si je suis trop sévère ne m’en voulez pas. Mais je pense que j’ai un peu d’espoir.[4]»

L'espérance du pardon

Cet espoir, c’est le peuple Syrien, sa tradition multimillénaire de mélange culturel, sa conscience d’être des frères fils d’Adam et de Seth, tous des sémites. Mais c’est aussi, de l'intérieur, la force et la miséricorde de Dieu. Il y a en Syrie d’authentiques martyrs, comme les frères Michel et Antonios et leur cousin Serge de Maaloula, bientôt canonisés. Il y a le témoignage du père Franz van der Lugt s.j. resté pour ne pas abandonner les chrétiens Homs et quassassiné le 7 avril 2014. Et puis il y a la force surnaturelle du pardon comme en témoigne l'histoire qui suit.

Fayad, fils unique, était un jeune universitaire de la ville de Homs qui avait été enlevé. 6 mois plus tard, les terroristes qui avait promi de rendre le fils à la famille l'ont effectivement rendu, mais dans un état que nous ne décrirons pas ici. A la reprise de la ville, devant les autorités réunies pour négocier la fin des hostilités, le père de Fayad raconte : "Qu'a-t-il fait mon fils beau comme le soleil ? Je n'ai personne d'autre que lui ! Ma première réaction a été de prendre un couteau et de vouloir tuer n'importe qui pour me défouler. Et soudain j'ai senti dans mon cœur : non, ce n'est pas de cette manière. Pour Fayad." Devant l'assemblée médusée, ce musulman ajouta : "alors, j'ai décidé de pardonner, et vous mes frères et sœurs, faites de même!" Mère Agnès-Mariam de la Croix commente : "C'est plus fort qu'une invasion et que les bombes. On cherche à diviser le pays, à manipuler, à instaurer le soupçon, on fait des massacres qui sont des casus belli, ce sont des raids commandités pour cela. Mais la force de la réponse, la puissance de la réponse, c'est : "Moussalaha", réconciliation ! Tu es musulman? Je t'aime, on va travailler ensemble!"

NOTES : 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=wXZK-Aat6Tk

[2] "Les rebelles de l’armée libre de Syrie ont quitté, ils abandonnent. La plupart quittent car ils ont vu qu’ils étaient trompés et que les chancelleries occidentales ou arabes ne s’intéressent pas à leur quête de démocratie ou de liberté, mais à alimenter l’extrémisme et à instaurer le califat islamique. Et donc on a coupé leur salaire, on a coupé leur munition, on les laisse mourir, on les met sous le danger d’être éradiqués par les factions islamistes tandis que ces factions islamistes contre qui on vient de déclarer la guerre sont alimentées en toutes sortes de ressources, argent, vêtements, menus, et bien sûr toutes sortes de munition et l’Europe à acheté le pétrole à l’Etat Islamique pendant des mois ce qui représentait une entrée de plus de 5 millions de dollars par jour ! Et après on s’étonne que l’EI soit si puissant tandis que l’Europe a fermé ses portes à toute requête de la population Syrienne pour obtenir des médicaments, du lait pour enfant our tout médicament de première importance, ça c’est l’Europe." Le 6 mars 2015, pour Media Press Info, https://www.youtube.com/watch?v=vc4OBlX87Is&t=392 

[3] Lors de la tragédie des rives de Khabour dont les médias n’ont rapporté que l’enlèvement de 220 personnes, on n’a pas entendu qu’une colonne de 1 km était arrivé dans cette région pour vider les 34 villages de la rive nord du Kabour et que les 40 000 réfugiés de cette communauté assyrienne, descendante d’une communauté évangélisée du temps du Christ, ont vu les frontières turques se fermer devant eux, alors qu’elles s’ouvrent continuellement pour les terroristes. Et si la télévision nationale syrienne est bannie, de nombreux canaux islamistes financés par des états déversent continuellement des flots de monstruosités pour servir une propagande radicale sans être inquiétée. On n’évoquera pas ici le pétrole acheté pendant des mois par la Communauté Européenne à l’EI (5 000 000 $ par jour) alors que les aides humanitaires les plus élémentaires (médicaments de base, lait pour les enfants) sont refusées à la population Syrienne.​

[4] "Les acteurs de cette globalisation, de cette bête et de son faux prophète cherchent à dépouiller l’humanité de trois appartenances, puis d’une quatrième. Mettons quatre appartenances. La première, priver l’humanité de son appartenance à Dieu. Depuis quelques années, depuis 50 ans, on a déclaré la mort de Dieu. Existentialisme. Ensuite on cherche à dépouiller l’homme de son appartenance à la patrie. Ensuite on cherche à dépouiller l’homme de son appartenance à la famille. Enfin, on cherche à dépouiller l’homme de son appartenance à soi-même : tu n’es ni ça ni ça, tu peux choisir, c’est toi qui décide. Et nous avons ainsi un succédané d’être humain, qui vit virtuellement, c’est une capacité non plus transcendante, mais utilitaire. Vous savez que Saint Augustin appelait l’homme capax Dei (une capacité de Dieu, capacité infinie et toujours nouvelle de bonheur, de bonté, d’amour qui reçoit l’Esprit Saint et qui se transforme à la mesure de ce qu’il voit dans la foi). Donc au lieu d’une capacité transcendante, c’est une capacité utilitaire, c’est quelqu’un qui va être consommé, consommant et consommé. Et aujourd’hui, la France s’est élevée dans des manifestations pour dire non au mariage pour tous, mais au moins vous avez marqué noblement votre position. Puis il y a les mères porteuses : aujourd’hui un enfant ne vaut pas plus qu’un caniche qu’on va commander, même si on n’a pas encore inventé les PMA pour chiens, tandis que pour les êtres humains, il y a des catalogues.Le 6 mars 2015, pour Media Press Info, https://www.youtube.com/watch?v=vc4OBlX87Is&t=392

 

 

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